Une histoire infondée…

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Question : On m’a récemment raconté qu’il y avait un Compagnon (radhia Allâhou ‘anhou) qui était mourant et qui n’arrivait pas à prononcer la Chahâdah (profession de foi musulmane). Le Prophète Mouhammad (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) fit demander à son épouse comment il se comportait avec elle. Elle répondit qu’il était un homme de bien, qui faisait beaucoup d’adoration et qu’il donnait son droit a chacun. Puis le Prophète (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) fit venir sa maman. Il (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) lui posa la même question. Et elle répondit qu’il était un fils bien, qui était un bon croyant et qu’il faisait beaucoup d’actes d’adoration, mais.. qu’il préférait son épouse sur elle. Il (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) lui demanda de lui pardonner, mais elle refusa. Le fils n’arrivant toujours pas à réciter la Chahâdah, il (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) insista pour qu’elle lui pardonne. Elle dit : « Je le laisse à Allah ! » Il (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) envoya quelqu’un pour voir si le fils arrivait à dire la Chahâdah, mais ce ne fut pas le cas. Alors le Pophète (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) donna l’ordre de ramasser du bois pour en faire un feu. La maman s’enquit de la raison de son geste. Il (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) lui répondit qu’il (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) allait bruler son fils ici bas plutôt qu’il ne soit brulé dans l’Au-delà. À ce moment là, elle dit : « Je prends Allah à témoin que je lui pardonne. » Le Compagnon put prononcer la Chahâdah et il mourut sur cette dernière parole. Je voudrai savoir si ce récit est véridique…

Réponse : Cette histoire, qui est très connue et répandue, n’est pas rapportée de façon authentique du Prophète Mouhammad (sallallâhou ‘alayhi wa sallam). Des oulémas soulignent en effet que :

  • dans l’ouvrage « Al Kabâïr »  (traitant des péchés majeurs), où il est cité, il est introduit avec la formule « houkiya » (on raconte), tandis que dans « At Targhîb wat Tarhîb » (compilation de Ahâdîth exprimant des exhortations ou des avertissements), Al Moundhiri (rahimahoullâh) le mentionne avec l’expression « rouwiya » (on rapporte) : et il est bien connu que, dans la science du Hadith, quand une Tradition est mentionnée de la sorte, c’est que son authenticité pose problème (Al Moundhiri (rahimahoullâh) mentionne lui-même ce point dans sont introduction de « At Targhîb wat Tarhîb »).
  • Ibnoul Djawzi (rahimahoullâh) a mentionné une version abrégée de ce récit dans son ouvrage compilant les Traditions forgées et faussement attibuées au Prophète Mouhammad (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) (« Al Mawdhoû’ât »).
  • As Souyoûti (rahimahoullâh) rapporte de Al ‘Ouqaïli (rahimahoullâh) qu’il a affirmé que ce Hadith n’est pas autnhentique. (Voir « Al Laâliy’ al Masnoû’ah » – Volume 1 / Page 251)
  • Parmi les contemporains, Al Albâni (rahimahoullâh) a très sévèrement critiqué la fiabilité de ce rapport. (Voir « Dhaïf out Targhîb wat Tarhîb » – Volume 2 / Page 143 et « As Silsilat oud Dhaïfah wal Mawdhoû’ah » – Volume 7 / Page 166)
  • Cheikh Mach’hoûr cite ce récit dans son ouvrage intitulé « Histoires non fondées » (« Qisas lâ tathbout »).

Le problème qui se pose avec cette narration est que, dans la chaîne de transmission de celle-ci, il y a une personne, en l’occurrence Fâïd Ibnou Abdil Rahmân Aboul Waraqâ, dont la fiabilité pose de sérieux problèmes selon les experts : l’Imâm Ahmad (rahimahoullâh), Ibnoul Djawzi (rahimahoullâh), Al ‘Ouqaïli (rahimahoullâh) et  Al Haïthami (rahimahoullâh) affirment par exemple que ce qu’il rapporte doit être délaissé (« matroûk »). Il a également été critiqué par Ibnou Hibbân (rahimahoullâh), qui dit qu’il n’est pas permis d’argumenter à partir de qu’il rapporte (lâ yadjoûzoul ihtidjâdj bih). (Réf : « As Silsilat oud Dhaïfah wal Mawdhoû’ah » – Volume 7 / Page 166)

Wa Allâhou A’lam !