Se couvrir les pieds durant la prière…

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Question : Pour une femme, est-ce obligatoire de se couvrir les pieds durant la prière ?

Réponse : Pour ce qui est de la question de savoir si la femme doit oui ou non se couvrir les pieds durant la prière rituelle – Salât, il y a des divergences entre les écoles juridiques :

  • Selon les écoles chaféite, malékite et hambalite, les pieds de la femme font partie de la « awrah » (partie qui doit être cachée) durant la prière.1 Il est donc nécessaire de les recouvrir lors de la Salât, en portant des chaussettes par exemple. A ce sujet, ils se basent notamment sur une Tradition de Abou Dâoûd qui indique qu’on demanda une fois à Oummou Salamah (radhia Allâhou anha) quels sont les vêtements qu’une femme peut porter pour prier. Elle répondit : « Elle priera en portant un voile (khimâr) et une tunique (dir’oun) longue qui cache le dessus de ses pieds. » 2Cependant, d’après l’école malékite, si une femme n’a pas recouvert ses pieds pendant la Salât, sa Salât sera valable, mais elle aura commis un acte « makroûh » (répréhensible). C’est pourquoi, il sera quand même recommandé à la femme qui aura ainsi accompli sa Salât de la refaire tant que l’heure de cette Salât n’est pas encore finie.

  • Selon l’avis de l’Imâm Abou Hanîfah r.a. et des savants de l’école hanafite, les pieds ne font pas partie de la « awrah », que ce soit durant la prière ou en dehors de la prière. Il n’est donc pas nécessaire à la femme de les recouvrir lors de la Salât. Sur ce point, les hanafites se basent essentiellement sur une interprétation rapportée de Aïcha (radhia Allâhou anha) concernant le verset bien connu de la Sourate « An Noûr » où il est fait mention des parties du corps qu’il n’est pas nécessaire à la femme de couvrir :

    « Et dis aux croyantes de baisser leurs regards, de garder leur chasteté, et de ne montrer de leurs atours que ce qui en paraît et qu’elles rabattent leur voile sur leurs poitrines (…) »

    (Sourate 24 / Verset 31)

    Selon un rapport de Aïcha (radhia Allâhou anha) donc, l’expression « ce qui en paraît » englobe (aussi) l' »anneau » qui était porté aux orteils par les femmes de l’époque (en arabe, ce type d’anneau est appelé « Fatkh »). C’est donc à partir de cette interprétation que les hanafites ont déduit que les pieds comptent également parmi les parties du corps que la femme n’est pas obligée de dissimuler. 3

(Sources : « Al fiqh-oul-islâmi wa adillatouhou » , « Al moufassal fî ahkâmil mar’ah » et « Madjmou’ oul Fatâwa »)

Wa Allâhou A’lam !

Et Dieu est Plus Savant !

1- Il est à noter que les savants de ces différentes écoles considèrent que les pieds de la femme font partie de la « awrah » en dehors de la prière également : Ainsi, selon eux, la musulmane devra nécessairement les couvrir en présence d’hommes étrangers. Leur principal argument sur ce point est le Hadith qui relate que le Prophète (sallallâhou alayhi wa sallam) avait interdit de laisser traîner les vêtements sur le sol… En entendant cela, Ommou Salamah (radhia Allâhou anha) s’enquit auprès de lui de ce que devraient faire les femmes. Il lui répondit : « Elles laisseront leur vêtement être un empan (de plus que ce que ne laissent les hommes). » Ommou Salamah (radhia Allâhou anha) répliqua : « Mais leurs pieds seront alors découverts… » Le Prophète (sallallâhou alayhi wa sallam) dit alors : « Elles laisseront leur vêtement être une coudée (plus long)… pas plus. » (Rapporté par Tirmidhi).

Par rapport à ce Hadith de Oummou Salama (radhia Allâhou anha), il faut souligner que, dans une autre Tradition similaire (rapportée notamment par Ibn Mâdja et citée par Ibn Taymiyah r.a. dans « Madj’mou oul Fatâwa » – Volume 22), la réflexion qui avait été faite au Prophète (sallallâhou alayhi wa sallam) était en rapport avec le fait que si les femmes ne portaient pas des vêtements suffisamment longs, leurs mollets (et non pas leurs pieds) se seraient alors découverts… En effet, étant donné qu’à l’époque de la Révélation, les femmes n’avaient pas l’habitude de porter des chaussettes, si la longueur de leurs vêtements était similaire à celle des hommes -c’est à dire ne pouvant dépasser les chevilles-, le risque était grand qu’en marchant, le bas de leurs molletsne se découvre. Voilà pourquoi il a été question dans le Hadith de Oummou Salamah (radhia Allâhou anhâ) de vêtements allant jusqu’à couvrir les pieds … En d’autres mots, selon certains savants, ce Hadith n’a pas pour objectif d’énoncer le fait que les pieds font partie de la « awrah« . (Voir les écrits de Ibn Taymiyah r.a. à ce sujet dans ses « Madjmou oul Fatâwa » – Volume 22)

2- Ibn Taymiyah r.a. fait ressortir dans une de ses Fatâwa la faiblesse de cette argumentation. En effet, même dans le cas où le dessus des pieds de la femme serait recouvert par sa tunique, comme cela est évoqué dans le Hadith de Oummou Salamah (radhia Allâhou anha), lorsqu’elle se prosterne, ledessous de ses pieds se retrouverait forcément découvert. D’ailleurs, sur cette question précise, Ibn Taymiyah r.a. affirme que l’avis de Abou Hanîfah r.a. est le plus solide (al aqwâ). Il est important de noter cependant que ces propos de Ibn Taymiyah r.a. ne concernent que le fait de ne pas couvrir les piedsdurant la prière ; par contre, en dehors de la prière, son avis n’est pas du tout le même : Selon lui, les pieds de la femme, tout comme les mains et le visage, font alors bien partie de la « awrah », et celle-ci devra les couvrir en présence d’hommes étrangers. (Réf : « Madjmou’ oul Fatâwa » – Volume 22)

3Réf : « Al Moufassal fi Ahkâmil Mar’ah » de Abdoul Karîm Zaydân et « Madjmou’oul Fatâwa » de Ibné Taymiyah r.a. ; le Hadith de Aïcha r.a. est rapporté par Ibn Abi Hâtim.