L’accomplissement de la prière en groupe pour les femmes

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Les savants musulmans des différentes écoles s’accordent pour considérer que le devoir (woudjoûb) d’accomplir la prière en groupe ne s’adresse pas aux femmes. La question qui se pose néanmoins est de savoir quel est le statut exact de la prière en groupe pour la musulmane, que ce soit à la mosquée (derrière l’imâm) ou chez elle, avec d’autres femmes…

Pour ce qui est de la participation de la femme à la salât en groupe à la mosquée, voici l’avis des grandes écoles de jurisprudence:

  • Selon l’école hanafite

    Les jeunes femmes doivent éviter de quitter leur foyer dans le but d’aller à la mosquée pour participer à la salât en groupe; elle doivent plutôt prier chez elles… En effet, eu égard, d’un côté, du caractère non obligatoire pour elles de prier en groupe, et, d’un autre côté, de l’impiété généralisée et de la dégradation constante des mœurs au sein de nos sociétés, cette présence peut avoir des effets bien plus négatifs que positifs, notamment au niveau du risque (fitnah) que ne se multiplient des contacts -entre personnes de sexe opposés- que la morale islamique condamne. C’est cette vision des choses que les hanafites décèlent à travers les propos de Aïcha (radhia Allahou anha), lorsque celle-ci affirme que « si le Prophète (sallallahou alayhi wa sallam) voyait le changement qui est apparu dans la conduite et le comportement des femmes, il les aurait interdit de venir à la mosquée, comme cela fut interdit aux femmes des Banou Isrâïl. » (Mouslim) Pour ce qui est des femmes qui sont parvenues à un âge avancé, à l’origine, selon l’avis du madh-hab hanafite, celles-ci pouvaient aller accomplir la prière en groupe à la mosquée (des divergences existaient entre l’Imâm Abou Hanîfah (rahimahoullâh) et ses deux illustres élèves sur le fait de savoir si cette permission concerne toutes les prières obligatoires ou uniquement certaines d’entre elles), même s’il est leur était préférable de prier chez elles. Néanmoins, les savants hanafites des générations suivantes ont adopté une position différente: ainsi, ils déconseillent (makroûh) même aux femmes âgées de prendre part à la salât en groupe à la mosquée… [2]

  • Selon l’école châféite (l’avis des hambalites est très proche de celui des châféîtes)

    Il est déconseillé (makroûh) aux femmes séduisantes d’aller à la mosquée pour faire leur salât, et il leur est préférable de prier chez elles (en groupe de préférence): Ils fondent leur opinion sur le Hadith rapporté de Aïcha (radhia Allahou anha) et cité ci-dessus. Pour ce qui est des autres femmes, il leur est permis de prier en groupe à la mosquée (avec la permission de l’époux (pour celles qui sont mariées) ou du waliy –responsable légal- (le cas échéant)): Elles doivent cependant veiller à ne pas sortir de chez elles en étant parfumées et en portant des vêtements attirants. Néanmoins, même pour elles, l’accomplissement de la prière en groupe dans leurs maisons est préférable, suivant le Hadith qui dit: « N’empêchez pas à vos femmes d’aller à la Masdjid (pour prier), et leur maison est meilleure pour elles (par rapport à la mosquée). » (Abou Dâoûd) [3]

  • Selon l’école mâlékite

    Il est mieux que les femmes très âgées aillent prier en groupe à la mosquée. Les autres femmes (exception faite de celles qui sont encore jeunes et séduisantes; celles-ci doivent prier chez elles [4]…) peuvent également aller accomplir la salât en djamâ’ah à la mosquée si cela ne présente pas de risque (fitnah): elles doivent cependant veiller, en sortant de chez elles, à ne pas se parfumer et à adopter une tenue qui ne soit pas attirante. [5]

Pour ce qui est de l’accomplissement de la prière en groupe, entre femmes, à la maison, il y a principalement trois opinions qui ont été émises:

  • Selon l’avis des châféites et celui qui fait autorité chez les hambalites, s’il y a plusieurs femmes qui sont réunies en un lieu et qu’elle doivent prier, il leur est recommandé d’accomplir la salât en groupe plutôt que de le faire de façon isolée. Cet avis repose essentiellement sur les arguments suivants [6]:

    • Le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) affirme: « La prière en groupe a vingt sept fois plus de valeur que celle accomplie isolément. » (Mouslim, Mousnad Ahmad, Nasaï) Les termes de ce Hadith ont une portée générale, et concernent donc aussi bien les hommes que les femmes.

    • Oumm Waraqah bint abdillâh ibnil hârith rapporte que le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) avait l’habitude de lui rendre visite chez elle (les vendredi, comme mentionné dans certaines versions du Hadith); (à sa demande), le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) lui désigna un mouadh-dhin qui lançait pour elle l’appel à la prière, et il (sallallâhou alayhi wa sallam) lui ordonna de diriger la salât pour les gens de sa maison. Abdour Rahmân (rahimahoullâh), celui qui rapporte le Hadith de Oummou Waraqah (radhia Allâhou anha) dit qu’il a vu que son mouadh-dhin était un vieil homme. (Abou Dâoûd, Mousnad Ahmad; ce hadith est qualifié de « hassan » (bon) par Al Albâni (rahimahoullâh) – irwâoul ghalîl – Volume 2 / Page 255)

    • Râïtah al hanafiyah (rahimahallâh) rapporte que Aïcha (radhia Allâhou anha) a officié en tant qu’imâm pour des femmes lors de prière obligatoire et elle s’est mise debout au milieu d’elles. (Mousnad Ahmad, Mousanaf Abdour Razzâq, Bayhaqui, Dâr Qoutniy; une Tradition similaire est rapportée de Atâ (rahimahoullâh) dans le Mousannaf de Ibn Abi Chaybah)

    • L’Imâm Ach Châféï (rahimahoullâh) rapporte que Oummou Salmah (radhia Allâhou anha) a dirigé la salât pour des femmes et elle s’est mise debout au milieu d’elles. (Mousnad ouch Châfeï, Moussannaf Ibn Abi Chaybah et Abdir Razzâq)

  • Selon l’avis des hanafites, dans le cas où il y aurait plusieurs femmes qui seraient réunies, il leur est préférable de prier seules: L’accomplissement de la salât en groupe pour elles est déconseillée (makroûh).

    Cette opinion repose sur les éléments suivants:

    • Aïcha (radhia Allâhou anha) rapporte que le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) a dit: « Point de bien dans l’accomplissement de la prière en groupe des femmes, sauf à la mosquée ou pour le rite mortuaire d’une personne tuée. »(Mousnad Ahmad et Tabrâni) [7]

      Cheikh Adh dhafar al Outhmâni (rahimahoullâh), après avoir cité ce Hadith, écrit que, étant donné que la prière en groupe à la mosquée pour les femmes se fait sous la direction d’un homme, ce qui est condamné ici, c’est bien la prière en groupe que les femmes accomplissent entre elles, ailleurs.

      A cet argument, on pourrait objecter que, comme indiqué dans la Tradition rapportée par Râïtah (rahimahallâh) citée plus haut, il est établi que Aïcha (radhia Allâhou anha) a dirigé elle-même la prière pour des femmes chez elle: et, selon les principes en vigueur dans le fiqh hanafite même, lorsque celui ou celle qui rapporte un Hadith agit à l’encontre de l’énoncé de ce dernier, la Tradition ne pas servir d’argument.

      Cheikh Al Outhmâni (rahimahoullâh) répond à cette objection en indiquant que le principe cité ne s’applique chez les hanafites que lorsqu’il n’est pas possible de concilier l’énoncé du Hadith avec la pratique de celui ou celle qui le rapporte: Et dans le cas présent, une conciliation est possible… En effet, on peut tout à fait comprendre que:

      • le Hadith que Aïcha (radhia Allâhou anha) indique une pratique qui est déconseillée (la prière en groupe pour les femmes entre elles);

      • la Tradition relatant que Aïcha (radhia Allâhou anha) (mais aussi Oummou Salma (radhia Allâhou anha)) a dirigé la prière pour des femmes comme une pratique occasionnelle motivée soit par la volonté de montrer que celle-ci est, en soi permise, soit par le besoin d’enseigner à des femmes comment faire la prière. Et il est évident que le caractère déconseillé d’un acte n’implique en aucune façon qu’il soit illicite.

    • Il est rapporté de Ali (radhia Allâhou anhou) qu’il a dit: « La femme n’officie pas comme imâm (lâ taoummoul mar’ah) » (« Al Moudawwanah » de l’Imâm Mâlik (rahimahoullâh), authentifié par Cheikh al outhmâni (rahimahoullâh) dans « I’lâ ous sounan » [8])

      Cette Fatwâ de Ali (radhia Allâhou anhou) a une portée générale: Elle indique donc que la femme ne doit pas diriger la prière que ce soit pour des hommes ou pour d’autres femmes.

  • D’après les mâlékites, les femmes ne doivent pas prier entre elles, en groupe. [9]

 


Notes :

[2] Voir « I’lâous sounan » – Volume 4 / Page 231 et « Al Fiqh oul Islâmiy » – Volume 2 / Page 154

[3] Réf: « Fiqh oul Ibâdât ‘alal madh-habich châfi’i », « Fiqh oul Ibâdât ‘alal madh-habil hambaliy » et « Al Fiqh oul Islâmiy » – Volume 2 / Page 155

[4] Voir à ce sujet « Mawâhib oul Djalîl »

[5] Réf: « Al Mawsoûât oul Fiqhiyyah », « Al Fiqh oul Islâmiy » – Volume 2 / Page 154, « Hâshiyât oud dasoûqui ‘alâch char’hil kabîr ».

[6] Réf: « Awn oul Ma’boûd » – Commentaires du Hadith N°500 / « I’lâm oul Mouwaqui’în »

[7] La chaîne de transmission de ce Hadith comprend un maillon qui a fait l’objet de critiques (ibnou lahî’a); mais certains savants considèrent que les Traditions qu’il rapporte sont quand même aptes à servir d’arguments, comme le souligne Al Haïthami (rahimahoullâh) dans son « Madjma’ouz Zawâïd » – Volume 5 / Page 126

[8] Il est à noter que la personne qui rapporte directement ces propos de Ali (radhia Allâhou anhou) n’est pas nommée dans la chaîne de transmission: Cependant, comme le souligne Al Outhmâni (rahimahoullâh), cela ne pose pas problème pour la fiabilité de la chaîne de transmission, étant donné que cette personne est un professeur de ibnou abi dhi’b faisant partie des « mawâliy bani hâchim »: Et Ibnou Maïn (rahimahoullâh) ainsi que Abou Dâoûd (rahimahoullâh) affirment que tous les professeurs de ibnou abi dhi’b sont fiables, à l’exception de al bayâdhi (qui, lui, ne fait pas partie des « mawâliy bani hâchim »). Réf: « I’lâous sounan » – Volume 4 / Page 231

[9] Réf: « Al Moufassal » – Volume 1 / Page 253