Le dhihâr en question…
Réponse : Ce que vous évoquez s’apparente à une question évoquée dans les ouvrages de jurisprudence islamiques sous l’appellation du « dhihâr » (qui vient du terme arabe « dhahr » (le dos)) : Il faut savoir que pendant la période antéislamique, les arabes païens avaient l’habitude, pour divorcer de leur femme, de les comparer « au dos de leur mère ». En prononçant ce genre de formules, ils considéraient que leur épouse leur devenait interdite à vie… Allah (azza wa djalla) mit par la suite un terme à ceci et qualifia ce genre de propos« de parole blâmable et mensongère ». Le début de la Sourate 58 (« Al Moudjâdalah ») fut révélé justement à la suite d’un incident de ce genre qui s’était produit entre un Compagnon (radhia Allâhou anhou) (en l’occurrence, Aws Ibné Sâmit (radhia Allâhou anhou)) et sa femme (Khawlah Binté Mâlik (radhia Allâhou anha)) ; celle-ci était venue se plaindre au Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam), ce qui avait occasionné la révélation du passage en question.
Il ne m’est malheureusement pas possible de mentionner ici tous les détails juridiques en rapport avec le « dhihâr » ; je me contenterai juste d’en citer les plus importants directement en rapport avec les questions soulevées :
Déjà, on pourrait définir le « dhihâr » comme étant une comparaison qu’un homme établit entre son épouse et une autre femme avec qui le mariage lui est interdit à vie (comme sa mère, sa sœur, sa tante…), que cette comparaison porte sur l’intégralité de la personne ou seulement sur une partie du corps de la femme en question qu’il est interdit de regarder (comme le dos, le ventre, la cuisse…).
Cependant, il faut savoir qu’il y a deux types de formules qui peuvent être employés lorsqu’on établit ce genre de comparaisons… C’est en fonction de cela que l’on pourra déterminer s’il y a réellement eu « dhîhâr » ou non :
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Il y a la formulation claire et explicite (« sarîh »), c’est à dire celle qui, lorsqu’elle est entendue, permet de comprendre immédiatement que celui qui l’a prononcé n’avait aucune autre intention que le « dhihâr ». L’exemple le plus cité de cette formulation est : « Tu est pour moi comme le dos de ma mère ». Si un mari prononce cette formule explicite, le « dhihâr » prend immédiatement effet : En sus de commettre un péché en tenant de tels propos, il ne pourra plus avoir des rapports avec sa femme (et même la toucher, l’embrasser, la regarder avec désir…, selon la majorité des savants) tant qu’il ne sera pas racheté pour le mal qu’il a commis en s’acquittant d’un « kaffârah », présenté en ces termes dans le Qour’aane :
« Ceux qui comparent leurs femmes au dos de leurs mères, puis reviennent sur ce qu’ils ont dit, doivent affranchir un esclave avant d’avoir aucun contact [conjugal] avec leur femme. C’est ce dont on vous exhorte. Et Allah est Parfaitement Connaisseur de ce que vous faites.
Mais celui qui n’en trouve pas les moyens doit jeûner alors deux mois consécutifs avant d’avoir aucun contact [conjugal] avec sa femme. Mais s’il ne peut le faire non plus, alors qu’il nourrisse soixante pauvres. Cela, pour que vous croyiez en Allah et en Son messager. Voilà les limites imposées par Allah. Et les mécréants auront un châtiment douloureux. »
(Sourate 58 / Versets 3 et 4)
Il est à noter que le « Dhihâr » n’est pas considéré comme un « Talâq » (divorce).
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Il y a la formulation implicite (« kinâya ») : C’est lorsque l’époux fait usage de propos qui peuvent être assimilés à un « dhihâr », mais qui peuvent également avoir un tout autre sens. C’est le cas par exemple quand il dit à son épouse : « Tu es comme ma mère » ou « Tu es comme ma sœur ». Si c’est ce genre de formule qui est employée, il n’y aura « dhihâr » que si l’époux en avait l’intention. Par contre, si en disant ce qu’il a dit, il ne cherchait nullement à répudier sa femme, on ne parlera pas de « dhihâr ». Ainsi, si un homme dit à son épouse « Tu es comme ma mère », mais en prononçant ceci, il ne voulait qu’établir une comparaison au niveau du respect qu’il porte à leur égard toutes les deux (par exemple), dans ce cas, donc, il n’y aura pas de « dhihâr »... En d’autres mots, en prononçant une telle phrase, l’homme ne commet aucun péché et n’a pas à s’acquitter d’un quelconque « kaffârah » (compensation pour se racheter).
Enfin, il faut savoir que la majorité des juristes s’accordent à dire qu’on ne peut parler de « dhihâr » que lorsque des propos du genre de ceux qui ont été cités plus haut ont été tenus par le mari à l’encontre de son épouse. Si c’est l’épouse qui dit une telle chose, on ne considèrera pas (du moins selon l’avis des Imâms Abou Hanîfah r.a., Mâlik r.a., Ach Châféi r.a., ainsi qu’une opinion de l’Imâm Ahmad Ibné Hambal r.a.) qu’il y a eu « dhihâr », en ce sens que les rapports entre époux ne seront pas interdits et la femme n’aura pas à s’acquitter d’un quelconque « kaffârah ». Néanmoins, si elle a tenu des propos explicites (elle dit a son mari par exemple « Tu es pour moi comme le dos de mon père (ou de ma mère) »), elle devra se repentir pour ce qu’elle a dit.
Wa Allâhou A’lam !
Et Dieu est Plus Savant !
(Réf : « Al Fiqh oul Islâmiy » – « Al Moufassal » – « Fiqh ous Sounnah » – « Al Fiqh Alal Madhâhib Ar’ba’ah »)
- Par Mouhammad Patel
- Le 31 mars 2007