Le lavage des cheveux durant le bain rituel
Question : La femme doit-elle se laver entièrement les cheveux lorsqu’elle prend un bain pour se purifier ?
Réponse : En ce qui concerne le lavage des cheveux pour la femme lors du « Ghoussl » (bain rituel),
– Si la femme n’a pas les cheveux tressés :
Les savants s’accordent pour considérer qu’il est obligatoire à la femme de faire parvenir l’eau jusqu’à la racine des cheveux durant le « Ghoussl ».
Pour ce qui est des cheveux « défaits » et flottants (« cha’r moustarsal »), Ibn Qoudâma r.a. évoque qu’il existe une divergence entre les savants sur la nécessité ou non de les laver complètement.
Selon lui, les savants châféites (et ce serait là l’avis préféré au sein de l’école hambalite) soutiennent qu’il est nécessaire de le faire (leur argument à ce sujet consiste notamment en un Hadith de Abou Dâoûd qui dit que « Sous chaque poil (ou cheveu), l’état d’impureté est présent (« tahta koulli cha’rah djanâbah »), mouillez donc les cheveux et nettoyez la peau. » – Ce Hadith est cependant « dhaïf »), tandis que les hanafites * et les mâlékites sont de l’avis contraire. Ces derniers se baseraient sur le fait que le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) n’a pas imposé à Oumm Salma (radhia Allâhou anha) de défaire ses cheveux tressés durant le bain, se contentant de lui ordonner de verser de l’eau en trois fois sur sa tête – le Hadith en question va être cité par la suite. S’il était obligatoire et nécessaire à la femme de se laver les cheveux complètement, le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) lui aurait ordonné de détacher ses cheveux, étant donné que lorsque les cheveux sont tressés, le seul fait de verser de l’eau dessus en trois fois ne suffit pas à les mouiller dans leur intégralité. (Réf : « Al Mougnhiy » – Volume 1 / Page 144)
* L’avis attribué aux hanafites par Ibn Qoudâma r.a. ne fait pas l’unanimité chez eux. Quand on revient vers leurs ouvrages de référence, on constate en effet qu’il y a en réalité au moins deux opinions qui ont été émises sur cette question :
– Selon certains, il suffit de faire parvenir l’eau à la racine des cheveux, comme l’évoque Ibn Qoudâma (r.a.). Ibn Âbidîne r.a. souligne que c’est ce qu’indique le sens apparent des Hadiths rapportés à ce sujet. (Réf : « Raddoul Mouhtâr »)
– Selon d’autres, il est obligatoire de laver les cheveux complètement s’ils sont « défaits » (manqoûdh). Ce second avis est celui qui est mentionné notamment par l’auteur de « Ad Dourroul Moukhtâr », qui va jusqu’à évoquer une unanimité des hanafites sur ce point (Réf : Volume 1 / Page 153). Ibné Âbidine r.a., commentant ces propos, souligne qu’ils sont conformes à ce qui est mentionné dans le commentaire du « Mounyat oul Moussalli » (qui est un ouvrage très connu dans le fiqh hanafite), mais qu’ils ne sont pas pour autant justes… En effet, il y a bel et bien une divergence au sein des hanafites sur cette question, comme on a pu le constater ci-dessus. (Réf : « Hâchiyah Ibn Âbidîne » – Volume 1 / Page 153) Je précise néanmoins que c’est cette seconde opinion qui a été adoptée par d’illustres savants hanafites indo-pakistanais contemporains, comme Cheikh Achraf Ali At Thânwi r.a. (Réf : « Behishti Zewar »). C’est ce qui explique pourquoi elle fait autorité chez les hanafites se rattachant à ces savants. On remarquera également que cet avis est en conformité avec celui des châféites (et des hambalites)…
– Si la femme a les cheveux tressés :
La majorité des savants (hanafites, mâlékites et châféïtes) sont d’avis que, dans ce cas, il ne lui est pas nécessaire de défaire ses tresses à condition que l’eau parvienne jusqu’à la racine des cheveux.
Leur principal argument à ce sujet est le Hadith qui relate que Oummou Salamah (radhia Allâhou anha) questionna le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) en ces termes : « Ô Messager d’Allah ! Je suis une femme qui se tresse les cheveux. Dois-je défaire ces tresses lorsque je prend le bain pour me purifier de l’état d’impureté majeure (« Djanâbah ») ? » Le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) lui répondit : « Non, il te suffit de verser de l’eau sur la tête à pleines mains en trois fois, puis tu verses de l’eau sur ton corps pour te purifier. » (Mouslim)
Selon ces savants toujours, si l’eau ne parvient pas jusqu’à la racine des cheveux (parce qu’ils sont recouvert d’une matière étanche, ou parce qu’ils sont si solidement tressés qu’ils ne laissent pas l’eau passer etc…), il faudra défaire les tresses. (Réf : « Al Mawsoûat oul fiqhiyah »)
Les oulémas hambalites (ainsi que Hassan Al Basri r.a. et Tâoûs r.a.) ont pour leur part fait une distinction à ce sujet entre le bain qui est pris à la fin des règles et lochies (« haydh » et « nifâs ») et celui qui est pris à cause de la « Djanâbah » (après avoir eu des relations sexuelles par exemple) : Dans le second cas, ils partagent l’avis majoritaire évoqué plus haut, alors que pour le bain pris après les règles, ils soutiennent que la femme devra nécessairement détacher ses tresses, et laver complètement ses cheveux. Leur avis repose, entre autres, sur le Hadith rapporté par Aîcha (radhia Allâhou anha) dans lequel elle relate ce qui s’était passé pour elle durant le pèlerinage d’Adieu : Le jour de ‘Arafah (9 Dhoul Hiddjah), elle eut ses règles. Elle questionna alors le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) au sujet de la conduite à tenir. Celui-ci lui dit en se sens : « Délaisse ta Oumrah, détache tes cheveux, peigne les (en les lavant) (selon une autre version : « Détache tes cheveux et fais le « Ghousl ») et (prononce la « talbiya ») pour initier l’Ihrâm du Hadj (…) » (Boukhâri) (Réf : « Al Moufassal Fî Ahkâmil Mar’ah » – Volume 1)
Néanmoins, Ibn Qoudâmah r.a. écrit dans son ouvrage « Al Moughniy » que certains savants de l’école hambalite sont d’avis que, même pour le bain pris après les règles ou les lochies, il n’est pas obligatoire mais seulement recommandé à la femme de défaire ses tresses (ce qui signifie que, finalement, l’avis des hambalites sur ce point, est le même que celui de la majorité des savants.) Il précise que cet avis est le plus juste, étant donné qu’il existe une version du Hadith de Oumm Salamah (radhia Allâhou anha) (évoqué plus haut), cité par l’Imâm Mouslim r.a., dans lequel il est rapporté que la question que celle-ci posa au Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) ne portait pas seulement sur le bain pris pour se purifier de la « Djanâbah », mais également du « haydh » et du « nifâs »… La réponse qu’elle reçut de la part du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) avait donc une portée générale.
A noter que, dans le Hadith de Aïcha (radhia Allâhou anha) que les oulémas hambalites utilisent souvent pour justifier la distinction qu’ils ont établi, il n’est question à aucun moment de bain pris pour se purifier après le « haydh ». En effet, comme le fait remarquer l’Imâm As San’âni r.a., le « Ghousl » que le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) recommande à Aïcha (radhia Allâhou anha) (« ghousl » au cours duquel il lui demande de défaire ses cheveux) précède en fait le passage de celle-ci en état de sacralisation (« ihrâm »). Cela n’a donc aucun rapport avec le bain de purification pour la prière, étant donné que Aïcha (radhia Allâhou anha) affirme elle-même dans le Hadith que ses règles venaient tout juste de commencer… (Réf : « Souboul ous salâm »)
Wa Allâhou A’lam !
Et Dieu est Plus Savant !