Le jeûne du Ramadan pour la femme enceinte et celle qui allaite
Question : La femme enceinte ou qui allaite doit-elle obligatoirement jeûner pendant le mois de Ramadhân ? Si elle ne jeûne pas, doit elle rattraper les siyâm (jeûnes) manqués peut-elle s’acquitter seulement d’une compensation financière ?
Réponse : Les juristes musulmans s’accordent pour considérer qu’il est permis à la femme enceinte et à celle qui allaite de ne pas jeûner durant le mois de Ramadhân et de compenser les siyâm (jeûnes) manqués. Cette permission a été établie notamment à partir d’un Hadith rapporté par Anas (radhiya Allâhou ‘anhou) et dans lequel il est énoncé que le Messager d’Allah (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) a dit :
إِنَّ اللَّهَ عَزَّ وَجَلَّ وَضَعَ لِلْمُسَافِرِ الصَّوْمَ وَشَطْرَ الصَّلاَةِ وَعَنِ الْحُبْلَى وَالْمُرْضِعِ
« Certes, Allah a levé du voyageur (l’obligation) du jeûne et de la moitié de la salât ; (et Il a levé également l’obligation du jeûne) de la femme enceinte et de celle qui allaite. »
(Sounan Nassaï)
Des savants précisent cependant que, dans les cas cités, pour qu’il soit autorisé à la femme d’abandonner le jeûne, il est nécessaire qu’elle craigne pour sa propre santé ou pour celle du fœtus/du bébé et que cette crainte soit justifiée – par son expérience personnelle par exemple ou parce qu’un médecin musulman (c’est à dire quelqu’un qui est conscient de l’importance du statut du jeûne en Islam et qui est plus à même à présenter un diagnostique approprié…) expérimenté lui affirme que le jeûne fait peser un risque sur sa santé ou celle de son enfant. Cette condition a été établie à partir de la version suivante du Hadith de Anas (radhiya Allâhou ‘anhou) :
رخَّص رسول الله صلى الله عليه وسلم للحُبلى التي تخاف على نفسها أن تفطر وللمرضع التي تخاف على ولدها
« Le Messager d’Allah (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) a autorisé à la femme enceinte qui craint pour sa personne de ne pas jeûner, ainsi qu’à celle qui allaite et qui craint pour son enfant. »
(Sounan Ibn Mâdja – La fiabilité de ce Hadith a été très sévèrement remise en question par Al Albâni (rahimahoullâh) ; néanmoins, un propos rapporté de façon fiable de Ibnou ‘Abbas (radhiya Allâhou ‘anhou) (et cité dans les Sounan Abou Dâoûd) va dans le même sens que cet énoncé)
Quelle forme doit prendre la compensation pour les jeûnes qui n’ont pas été accomplis par celle qui est enceinte ou celle qui allaite ? Les avis divergent à ce sujet ; voici les principales opinions exprimées :
- Selon les oulémas hanafites, dans les deux cas, la femme n’aura qu’à remplacer les jeûnes manqués, sans avoir à s’acquitter d’une quelconque autre compensation matérielle. Cet avis repose sur l’énoncé général du passage du Qour’aane qui n’impose que le remplacement du jeûne à ceux qui le délaissent pour cause de voyage ou maladie (Sourate 2 / Verset 184). Parmi les savants salafites contemporains, cette opinion est celle qui a été retenue par Ibnou Bâz (rahimahoullâh) et Ibnoul ‘Outheïmin (rahimahoullâh).
- Selon l’avis qui fait autorité chez les châféïtes et les hambalites :
o si l’abandon du jeûne a été motivé seulement par crainte par rapport à la santé du fœtus/du bébé, en sus de remplacer les jeûnes manqués, la femme concerné devra également s’acquitter d’une « fidya » (compensation qui consiste en principe à donner à nourrir un pauvre pendant un jour) pour chaque jeûne manqué. Ils basent leur avis à ce sujet sur une interprétation rapportée de Ibnou Abbâs (radhia Allâhou anhou) au sujet d’un passage du verset 184 de la deuxième sourate du Qour’aane.(Sounan Abou Dâoûd)
o et si l’abandon du jeûne a été motivé par une crainte de la femme concernée pour sa propre personne, dans ce cas, elle n’aura qu’à remplacer les jeûnes manqués, sans avoir à donner de « fidya ».
- Concernant la femme qui allaite, les mâlékites partagent l’opinion des châféïtes et des hambalites. Et concernant la femme enceinte, leur avis est le même que celui des hanafites. Cette distinction de statut s’explique par le fait que, dans le premier cas, il est possible à la femme de faire allaiter son bébé par quelqu’un d’autre et d’accomplir le jeûne, alors que dans le second cas, elle n’a d’autre solution que d’abandonner le jeune.
- Certains oulémas (parmi les contemporains, cet avis a été retenu par Al Albâni (rahimahoullâh)) sont d’avis que, dans les deux cas, la femme concernée n’aura pas à rattraper les jeûnes non accomplis : il lui suffira de s’acquitter d’une fidya par jour de sawm manqué. Cette opinion est basée sur des Fatâwa rapportées de Ibnou ‘Oumar (radhiya Allâhou ‘anhou) et de ‘Ibnou Abbâs (radhiya Allâhou ‘anhou).
Il est à noter enfin que, selon les savants qui considèrent que le remplacement du jeûne est nécessaire dans les cas cités, la femme doit nécessairement les remplacer avant que ne débute le mois de Ramadhân suivant. Si elle retarde les qadhâs sans motif valable jusqu’à ce qu’arrive le Ramadhân de l’année suivante, elle commet un péché.
(« Al Madjmoû’ », « Al Moughniy », « Al Fiqh oul Islâmiy » – « Fiqh ous Sounnah », « Al Fiqh Alal Madhâhib Arba’ah », « Al Mawsoûat oul Fiqhiyah », « Ad Dourar oul Bahiyah minal Fawâïd il Bâziyah », « Ach Char’h oul Moumti’ » , « Irwâ oul Ghalîl » )
Wa Allâhou A’lam !